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Café noir
24 juin 2005

Nekotopia, de Asuka Fujimori

 

nekotopia1« Le crime, c’est comme le piano, faut commencer tôt si on veut parvenir à une certaine virtuosité », c’est ce qu’affirme dès la première phrase du bouquin Asuka, une gamine de dix ans, qui porte de jolies robes et a des rubans dans les cheveux, et qui aime les bonbons. Une gosse comme les autres à ceci près que son hobby consiste à tuer les chats. Méthodiquement, avec brio, non sans leur avoir auparavant donné un nom. De Ethel Rosenberg à Pol Pot, de Baudelaire à Perec, de Landru à Alfred Wegener, c’est une cinquantaine de chats au bas mot que Akusa va massacrer au fil des pages sans que son imagination faiblisse quant aux moyens employés.

Cette "adorable" gamine vit dans une cité où règne sans partage le Maître, adulé de tous, qui mit fin aux guerres incessantes qui ravageaient le pays. Or le Maître (ne pas oublier les Majuscules) est malade et va mourir. Et le Maître décide que le Pouvoir sera transmis à celui qui l’assassinera, ou sera perdu, ce qui signifierait un retour au chaos. Le problème c’est que l’assassin ne doit pas aller en prison afin d’exercer le pouvoir, et que la Loi doit être respectée. Et c’est là que, pour le Conseil, Asuka devient incontournable : elle n’a pas l’âge légal pour être condamnée. 

Reste à la persuader que le Maître ressemble à un chat, ce à quoi tout le monde va s’employer…

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Ce n’est pas une fable, ni un conte philosophique, plutôt une sorte d’OVNI littéraire hilarant, complètement décalé, une critique de l’hypocrisie d’une société prétendument démocratique qui se révèle totalitaire. A noter aussi qu'en dehors des chats et de Asuka, aucun personnage n'a de nom. Tous sont désigné par leur fonction : l'Avocat, le Psychanalyste, le pingouin du protocole, la prostituée, etc. jusqu'au Maître...

Madame Figaro aurait souhaité que ce roman soir retiré de la circulation, mais peut-être Madame Figaro aime-t-elle trop les chats pour apprécier ce roman à sa juste valeur…

A lire, absolument !

Extraits :

« Le chat au micro-onde, c’est quand même plus facile à faire que le chat au four traditionnel. Pas besoin de préparation ni d’assaisonnement, rien. Il suffit de jeter un matou quelconque – appelons-le Salvatore Guiliano – dans l’appareil, de refermer rapidement la porte derrière, et en route pour quelques tours de manège.
Dès les vingt premières secondes, les moustaches commencent à se racornir comme des pénis d’escargots. Au bout d’une minute, les miaulements deviennent plus stridents. Une minute trente et on parvient à percevoir le faible craquement de la peau. Dix secondes plus tard, quelques poils s’enflamment spontanément. A deux minutes quinze, toutes les dents ont noircies et les yeux explosent joyeusement, l’humeur aqueuse en quasi-ébullition giclant sur les parois. On constate le décès de l’animal au bout de trois minutes environ.

Quand Maman a trouvé les restes de Salvatore carbonisés dans le micro-ondes, elle n’a pas bronché, mais elle a quand même tiré une drôle de tête pendant toute la soirée. »


"J'étais tranquillement en train d'éventrer Gilles de Rais au cutter quand on a frappé à la porte de ma chambre. Deux petits coups bien timides. Papa, entrant en s'excusant, a fait semblant de ne pas remarquer les entrailles dégoulinantes et, très gentil, est venu me demander doucement:

- Asuka, ma chérie, ça te dirait d'avoir un petit frère ou une petite soeur?
- Ça dépend... Est-ce que je pourrai jouer avec?
Il y a eu comme une sorte de frayeur colossale et inexprimable qui est passée dans ses grands yeux figés, et il ne fut plus jamais question de petit frère ou de petite soeur.
"

 


« Un jour un sénateur excédé par l’omnipotence du Conseil tenta une campagne d’opposition. Il mobilisa des journalistes et des caméras de télévision, parlait de scandale, de corruption, prônait le retour aux institutions véritables. Il modulait savamment sa voix devant les micros multicolores, il hurlait « Justice et tradition ! » (car depuis que le Conseil grandissait en importance, les sénateurs recevaient nettement moins de pots-de-vin, ça devenait vexant).

- Justice et tradition ! vociférait le sénateur.

Et il avait le doit tendu.

- Amour, Vérité, Bonheur ! rétorquait le Conseil.

- Justice et tradition !

- Le Maître ! Le progrès, la civilisation répétitive et verticale ! et l’Amour, et la Vérité, et le Bonheur !

Mais les braillements du sénateur résonnait bien au-delà des quatre collines, effrayaient les insectes et les rongeurs. Ce n’est pas tant que le sénateur était pris au sérieux, mais à la longue, il empêchait les gens de dormir. Le Conseil décida, par le biais d’un communiqué bref et explicite, d’y mettre bon ordre :

- Nous recommandons à ce sénateur de fermer sa gueule.

Le lendemain, un adorateur du Maître légèrement fanatique sonnait chez le sénateur et lui arrachait la langue.

- Un peu extrême commenta le président. Bien sûr, ce malheureux fanatique a voulu bien faire, on ne peut pas trop lui en vouloir, n’est-ce pas ? Mais arracher la langue… Il vaut mieux, somme toute, éviter la violence… défendre l’Amour, le Vérité, le Bonheur. Nous sommes des gens civilisés… Nous ne tuons pas nos ennemis. Nous nous contentons de les humilier, de les traîner dans la boue, de colporter des ragots immondes à leur sujet, de leur interdire toute place dans la société, de brimer leur progéniture, de les priver d’argent et de travail, de leur faire perdre leur dignité, leur confort, leur repos, de les faire plonger dans la dépression et l’alcoolisme et d’attendre sagement leur suicide. C’est à ça que sert la civilisation. »

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Commentaires
N
Merci. C'est noté, Mosca.<br /> <br /> J'ai un Palahniuk ( Choke) et un Mankell ( La lionne blanche)à terminer et puis je m'y mets !<br /> <br /> J'adore les chats, alors de toute façon ça me plaira !
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